J’ai le souci de voir bâti un musée proche des gens, qui facilite le contact avec les œuvres d’art.
Jean Masurel, collectionneur
Georges Braque, Maisons et arbre, 1908. Donation Geneviève et Jean Masurel. © Adagp, Paris, 2020
Deux collectionneurs à l'origine du musée
Deux collectionneurs sont à l’origine de la création du « Musée d’art moderne », tel qu’il était nommé avant 2010 : Roger Dutilleul (1872-1956) et son neveu Jean Masurel (1908-1991).
Roger Dutilleul, collectionneur pionnier
Roger Dutilleul (1872-1956) débute sa collection vers 1904. Cet amateur d’art audacieux apprécie la peinture impressionniste mais, au tournant du 20e siècle, elle est déjà trop chère pour lui. Il se tourne donc vers les jeunes peintres d’avant-garde, dont les œuvres sont plus accessibles.
Pablo Picasso, Poissons et bouteilles, 1909. Donation Geneviève et Jean Masurel. © Succession Picasso, 2020
Dutilleul et Kahnweiler
La rencontre de Roger Dutilleul avec le marchand d’art Daniel-Henry Kahnweiler est déterminante : dans la galerie parisienne qu’il vient d’ouvrir, Kahnweiler dialogue avec le collectionneur et lui présente de nombreux artistes.
Dutilleul était un vrai amateur guidé par l’instinct. Il était attiré par ce qu’il peut y avoir de sensible et de vibrant dans les couleurs.
Daniel-Henry Kahnweiler, galeriste
Une collection d'art moderne exceptionnelle
Aux côtés de Gertrude Stein, Alfred Flechtheim ou encore Vincenc Kramar, Roger Dutilleul devient un collectionneur très actif. Il est l’un des rares Français à acquérir, très tôt, des œuvres des peintres les plus significatifs de son temps : les fauves, les cubistes, Amedeo Modigliani, Paul Klee, Joan Miró, Vassily Kandinsky, André Masson, Joaquín Torrès-Garcia ou encore André Lanskoy. La collection de Roger Dutilleul est l’une des grandes collections d’art moderne de la première moitié du 20e siècle.
Y compris ceux de la salle de bain !
Paul Klee, 17 Gewürze 1932.69 (M 9) (17 épices), 1932. Donation Geneviève et Jean Masurel
Jean Masurel, héritier d'une passion
Dutilleul transmet très tôt sa passion pour la peinture à son neveu, Jean Masurel. Ce dernier acquiert sa première gouache de Léger dans les années 1920 et, en 1956, il hérite d’une grande partie de la collection de son oncle.
Son regard était celui d’un homme à la recherche de l’autre.
Eugène Leroy, artiste, au sujet de Jean Masurel
Un soutien essentiel pour les artistes
En soutenant les artistes refusés par les institutions et par le public, Roger Dutilleul et Jean Masurel jouent un rôle fondamental dans le développement et la diffusion de l’art d’avant-garde.
Roger Dutilleul soutient, par exemple, Amedeo Modigliani, Fernand Léger, André Lanskoy et des peintresdits « naïfs » comme André Bauchant. Jean Masurel, propriétaire d’une demeure à Mouvaux, encourage les artistes de la région : Eugène Dodeigne, Eugène Leroy, Jean Roulland ou encore Arthur Van Hecke. Au début des années 1950, les deux collectionneurs proposent leur soutien éclairé à un jeune artiste : Bernard Buffet.
La donation Geneviève et Jean Masurel
Au début des années 1970, Jean Masurel considère que sa collection est devenue trop importante pour rester dans le domaine privé. Il souhaite rendre hommage à sa région natale et le projet de musée s’impose peu à peu. En 1979, Son épouse Geneviève et lui font une donation de 204 œuvres (peintures, gouaches, dessins et sculptures) à la Communauté urbaine de Lille, complétée d’une seconde donation de 36 œuvres en 1980.
On avait sous les yeux la révolution artistique du début du 20e siècle jusqu’aux années 1950. C’était prodigieux.
Pierre Mauroy, Maire de Lille, Président de la Communauté urbaine et ancien Ministre, au sujet de la collection de Jean Masurel
Croquis du Musée d'art moderne Lille Métropole par Roland Simounet
Un projet de musée à Villeneuve d'Ascq
Un terrain est retenu pour l’édification du futur musée dans une ville nouvelle encore très verte : Villeneuve d’Ascq. Les donateurs participent au projet muséographique et définissent les objectifs de l’établissement.
(…) rendre accessibles au plus grand nombre les œuvres d’art caractéristiques de notre temps, associer le public à la recherche permanente sur l’évolution de l’art moderne, favoriser la création des œuvres d’art et promouvoir les activités de loisirs et de culture.
Extrait de l'acte de donation
1980-1983 : la construction du musée
En 1978, un concours est organisé pour la construction du bâtiment. Roland Simounet – architecte marqué par les enseignements de Le Corbusier – en est le lauréat. Le chantier dure trois ans.
Le bâtiment de Roland Simounet
L’édifice en briques conçu par Roland Simounet est rigoureux, discret et presque méditerranéen. Implanté dans un parc de 23 000 m², il dialogue étroitement avec le paysage. L’aile Ouest abrite l’ensemble des services (bibliothèque, ateliers pédagogiques, café, bureaux, réserves et ateliers techniques), tandis que l’aile Est comprend principalement les espaces d’exposition. À l’intérieur, l’éclairage zénithal fait la part belle à la lumière naturelle.
Prendre possession du site demeure essentiel. Vous devez intervenir avec beaucoup de politesse, en respectant la topographie et en essayant de vous couler dedans.
Roland Simounet, architecte du bâtiment originel du musée, en 1989
Une programmation dynamique
Pierre Chaigneau, premier conservateur du musée, met en place une politique active d’acquisitions et d’expositions (Joe Colombo. Rétrospective en 1984, Bauhaus en 1985, Joan Miró en 1986…). Il soutient également les artistes de la région (Eugène Dodeigne, Mahjoub Ben Bella, Paul Hemery, etc.).
Vue de l'exposition Joe Colombo. Rétrospective présentée du 27 octobre au 30 décembre 1984
L'art contemporain : le musée dans son temps
En 1987, l’arrivée de Joëlle Pijaudier-Cabot à la tête du musée marque le début d’une nouvelle phase dans son histoire. Les expositions temporaires prennent de l’ampleur. La collection moderne s’enrichit d’œuvres importantes de Fernand Léger, André Derain, Henri Laurens, Jacques Lipchitz… La collection d’art contemporain (Daniel Buren, Annette Messager, Richard Serra, Allan McCollum, etc.), se développe autour des notions de peinture, de collage et d’objet.
Livres d'art et ouvrages précieux
En 1994, le musée d’art moderne reçoit en donation la bibliothèque personnelle de Dominique Bozo, ancien Président du Centre Georges Pompidou et, dix ans plus tard, le fonds de livres précieux est enrichi par le legs Maurice Jardot.
Michel Leiris, Marrons sculptés pour Miró, lithographie sur papier japon nacré de Joan Miró, s. l., Edwin Engelberts, 1961. Legs de Maurice Jardot en 2003.
© Successió Miró / Adagp, Paris, 2020
Un musée, pour moi, c’est une fête. C’est vital !
Eugène Dodeigne, artiste
L'art brut
entre au musée
Nouveau tournant en 1999 : l'association L'Aracine fait don de sa collection d’art brut, riche de plus de 3 500 œuvres (Crépin, Lesage, Wölfli...). En contrepartie, elle demande que le musée organise une exposition tous les ans et que des salles dédiées à l’art brut soient construites dans le prolongement du bâtiment inscrit en 2000 à l’inventaire supplémentaire des monuments historiques. À l’issue d’un concours, Manuelle Gautrand est choisie pour concevoir l’extension. Le musée ferme pendant les travaux (2006-2010), mais sa programmation se poursuit hors les murs (La Grèce des modernes à la Médiathèque de Lille en 2007, Hypnos au Musée de l’Hospice Comtesse en 2009…). Pendant cette période, l’intérim est assuré par Nicolas Surlapierre et Savine Faupin, conservateurs, et Olivier Donat, administrateur.
Vue de l'exposition Art brut, collection de L'Aracine, présentée du 2 février au 14 juillet 1997. Au premier plan : oeuvres de Josué Virgili
Fleury-Joseph Crépin, Tableau merveilleux n°35, 5 août 1948. Donation L'Aracine
L’art brut porte en lui ce qui est enfoui en chacun de nous.
Madeleine Lommel, co-fondatrice et ancienne Présidente de L’Aracine
2010 : le LaM agrandi et rénové
Restauré, rénové et agrandi, le musée rouvre ses portes le 25 septembre 2010. Il porte un nouveau nom : le LaM – Lille Métropole Musée d’art moderne, d’art contemporain et d’art brut. C’est le seul musée à présenter simultanément et dans un même lieu trois champs de l’art des 20e et 21e siècles – dont le plus important fonds public d’art brut de France.
Un musée fait dire aux œuvres toute une série de nouvelles choses qu’elles ne diraient absolument pas toutes seules.
Daniel Buren, artiste
Perspectives croisées
Entre 2017 et 2023, sous la direction de Sébastien Delot, le musée a poursuivi ses explorations croisées entre art moderne, art contemporain et art brut, et sur sa politique d’expositions, soutenue par de nombreux mécènes et partenaires (Nicolas Schöffer. Rétroprospective et Danser brut en 2018, Alberto Giacometti, une aventure moderne en 2019, William Kentridge. Un poème qui n'est pas le nôtre en 2020, Isamu Noguchi. Sculpter le monde en 2023…).
40 ans : l’âge du renouvellement
À l’occasion de la célébration de ses 40 ans en 2023, le LaM a souhaité poser un nouveau regard sur l’histoire de l’art à travers la présentation décloisonnée de sa collection permanente et la mise en dialogue de ses trois fonds au sein d’un même parcours, donnant à voir les interactions entre des productions de créateurs et créatrices d’horizons divers, qu‘elle et ils soient issu·es des circuits artistiques traditionnels ou non.
Cette année exceptionnelle, ponctuée d’événements conviviaux et festifs, a également été l’occasion de découvrir un ensemble d’œuvres envoûtantes et totales de l’artiste nippo-américain Isamu Noguchi, celles du photographe et vidéaste franco-algérien Mohamed Bourouissa, ainsi qu’un aspect peu montré du travail du plasticien d’Anselm Kiefer.
Une nouvelle direction
Depuis le mois de mai 2024, Sébastien Faucon a pris ses fonctions en tant que nouveau directeur-conservateur du LaM.
Sébastien Faucon entend proposer une programmation riche, diversifiée et décloisonnée favorisant une polyphonie des regards au sein de la collection permanente du musée. De nouveaux imaginaires et de nouvelles narrations seront proposés au cœur des expositions temporaires qui s’attacheront à présenter des grandes figures historiques, à promouvoir la scène artistique émergente, peu cartographiée, et à (re)découvrir de grandes figures de l’art brut.
La recherche aura une place prépondérante et notamment sa valorisation auprès des publics. Le renforcement et l’ancrage du musée sur son territoire seront réaffirmés tout comme son rayonnement tant au niveau national, transfrontalier, qu’international.
Ce projet, en phase avec les enjeux sociétaux contemporains, placera au cœur de la programmation les valeurs de vivre-ensemble, l'éco-responsabilité, les pratiques collaboratives et participatives, ainsi que l'égalité femmes/hommes.
Le nouveau directeur du LaM veillera à poursuivre l’enrichissement de la collection et cherchera également à renforcer la mise en réseau du musée et à instaurer de nouvelles formes de solidarité, en dessinant un musée toujours plus inclusif.