L’autre de l’art propose une relecture transversale de l’art du 20e siècle : l’Occident à la recherche d’une origine de l’art, qui ne lui serait accessible qu’à travers l’Autre, compris dans des acceptions très diverses au fil du siècle.
Par une approche transdisciplinaire mêlant art, littérature, ethnologie et cinéma, elle invite à une nouvelle lecture de l’histoire de la création en montrant comment certaines œuvres, réalisées en dehors de contextes habituels (la rue, les hôpitaux, les prisons…), ou par des autodidactes ou des enfants, ont bouleversé les pratiques artistiques et fait émerger, dès le milieu du 19e siècle et tout au long du 20e siècle, différentes figures d’un « autre » de l’art.
Elle poursuit la vision fondatrice du musée en abordant à la fois l’art moderne, l’art contemporain et l’art brut. Dans la seconde moitié du 19e siècle, la découverte de peintures pariétales et d’objets gravés apportent la preuve de l’existence d’un art préhistorique, antédiluvien, bouleversant la chronologie de l’histoire de l’art et créant un climat propice à un discours sur l’origine de l’art. Dans le même temps, des documents issus de l’asile sont rassemblés et des formes d’expression comme le gribouillage, le griffonnage sont remarquées. Ces découvertes se doublent d’un nouveau regard posé sur l’enfance et sur les créations enfantines. Cette nouvelle enfance de l’art et l’innocence qu’on lui prête se trouble avec la naissance de la criminologie et le regroupement de collections d’œuvres de prisonniers.
Dans cette fin du siècle de la science et de l’industrie qui est aussi celui de l’essor puis de la vulgarisation de la théorie de l’évolution, s’organisent de grands récits au sujet de la création artistique et, au-delà, sur l’origine de l’art : une écriture de l’histoire de l’art et de la création dans laquelle l’Occident tient lieu de sommet.
Dans le même temps et dans le cadre de la colonisation et de ses entours, un « autre » de la création se dessine qui exprime une primitivité d’aspect multiple. Dans l’histoire contemporaine de l’art, le terme primitivisme renvoie au mouvement de célébration, par de nombreux artistes des avant-gardes du 20e siècle, de valeurs et de formes considérées comme originelles et régénératives. On situe vers 1900 le début de l’attrait des artistes occidentaux pour des œuvres venues d’Afrique ou du Pacifique. Cette histoire ayant été largement étudiée et présentée, l’exposition ne propose que de rapides évocations de l’importance des arts extra-occidentaux, pour privilégier les formes d’expression artistique occidentales que l’on a pu qualifier d’involontaires, souvent anonymes et qui restent pour beaucoup presque inconnues.
Le développement de la photographie et du cinéma, l’essor des sciences humaines comme l’ethnographie, mais aussi le développement des sciences de l’intériorité : psychologie, psychanalyse et phénoménologie vont aussi progressivement contribuer à changer la donne en mettant en doute la notion de culture. Suite à la catastrophe de la Seconde Guerre mondiale, l’Europe, comprise dans une dimension ouverte et ramifiée, tend au dépassement de la notion d’un autre primitif pour redéfinir ses marges. En définissant l’art brut en 1945, en collectant des œuvres de personnes isolées, sans formation artistique, d’autodidactes, de médiums, Jean Dubuffet rend « honneur aux valeurs sauvages » européennes. Les membres du groupe CoBRA cherchent leur inspiration dans les sources premières de la création tout particulièrement les dessins d’enfants. Tout au long du 20e siècle, les artistes vont renouveler leurs propres formes d’expression en posant leur attention sur ces créations : le regard est à l’œuvre.
Environ 400 œuvres (dessins, peintures, sculptures, films, écrits, documents) seront réunies selon un parcours thématique constitué en cinq parties parcourant un vaste champ chronologique : du milieu du 19e siècle jusqu’aux années 1970.
- Anonymes : l’asile, les vies muettes
- La Rue : graffiti, slogan, bannière
- Enfance : zéro plus zéro égale la tête à Toto
- Le Geste : involontaire et intentionnel
- L’Origine : préhistoire, pierres figures et poésie naturelle
Commissariat
Christophe Boulanger, attaché de conservation en charge de l'art brut,
Savine Faupin, conservatrice en chef en charge de l'art brut,
assistés de Lucie Garçon, chargé de mission
Elle bénéficie également du mécénat de Vinci.